Une femme dont le nom figure dans le gotha tres restreint des grands chefs français, cela mérite d’etre souligné. Lorsqu’en plus son talent et son exigence valent a son restaurant d’obtenir 3 étoiles des 2007 dans le tres prestigieux guide Michelin, on a toutes les raisons d’applaudir. Celle qui se revendique « féminine » dans un monde encore dominé par les hommes n’hésite pas a s’inspirer de l’univers du parfum pour créer des sauces aux saveurs complexes ou a réveiller des souvenirs d’enfance pour donner vie a un dessert.
Sophie, André, Jacques, Anne-Sophie : depuis 1889, chaque génération de la famille Pic a marqué son époque, auréolée a chaque fois de 3 étoiles, excepté pour l’arrière grand-mère Sophie qui a toutefois eu le mérite de lancer une vraie dynastie familiale. Tout commence en effet avec cette dernière à la fin XIXeme siècle quand elle ouvre, sur les hauteurs de Saint-Péray, l’Auberge du Pin qui attire rapidement les gastronomes de toute la région. En 1921, son fils André lui succède en cuisine et obtient 3 étoiles au guide Michelin en 1934. Deux ans plus tard, il choisit d’installer la Maison Pic à Valence. En 1957, alors que le restaurant ne possède plus qu’une étoile, le fils d’André, Jacques, reprend le restaurant familial avec son épouse Suzanne et reconquiert en 1973 les 2 étoiles qui manquaient tant. Sa fille Anne-Sophie, qui ne se destinait pas à la cuisine puisqu’elle avait suivi des études de commerce, finira par prendre sa succession en 1997.
L’an prochain, elle célèbrera ses 20 ans de carrière. Pendant ces deux décennies, elle a su affiner sa cuisine, lui trouver une identité unique et développer avec son mari David Sinapian, un véritable petit empire. Car la Maison Pic, c’est aujourd’hui un restaurant gastronomique 3 étoiles, un hôtel 5 étoiles, le nouveau restaurant André, l’école de cuisine Scook, une épicerie et le Daily Pic, nouveau concept de fast food en vérines sur Valence, un restaurant 1 étoile, la Dame de Pic, a Paris… et plus récemment à Londres. Professionnelle et engagée, Anne-Sophie Pic s’implique également auprès des enfants pour lesquels elle a souhaité créer une fondation : « Donnons du gout a l’enfance », qui agit notamment dans les hôpitaux et les écoles. La Maison Pic est définitivement devenue celle d’Anne-Sophie, mais son père veille toujours sur elle, sourire aux lèvres, sur des photos de lui, émouvantes, qui tapissent les murs, en famille ou aux côtés de Paul Bocuse et d’Alain Chapel, autres figures tutélaires dont Anne-Sophie n’hésite pas a revendiquer l’héritage. Mais une de ses plus belles réussites, c’est aussi son fils
Nathan. Le prochain, peut-être, d’une glorieuse dynastie ?
LIBRE ET AUTODIDACTE
Anne-Sophie Pic n’a que faire des carcans et n’hésite pas a peaufiner des associations inédites, des saveurs pointues comme lorsqu’elle marie la betterave, le café et des baies légèrement acidulées.
Elle voue une passion toute particuliere pour les sauces, en cherchant de nouvelles techniques, des alchimies inédites avec la pugnacité d’un savant sur le point de mettre en lumiere une découverte qui changerait le cours du monde. Entre instinct et technique, Anne-Sophe Pic réinvente une cuisine audacieuse, qui stimule les papilles et invite a d’étonnants voyages sensoriels. Dans cette logique de tête chercheuse, elle n’hésite pas a créer des parfums avec la complicité de Philippe Bousseton, parfumeur chez Takasago. Avec lui, elle traduit des émotions sur le plan olfactif avant de déguster le plat que cette émotion « parfumée » aura su lui inspirer.
TRES FEMME, MAIS AUSSI TRES CHEF
Du haut de son mètre cinquante-huit et de ses trois étoiles, Anne-Sophie Pic a su imposer sa patte dans le monde masculin, voire machiste, de la haute gastronomie. Avec une rigueur impressionnante doublée d’une vigilance jamais prise en défaut, la seule femme triple étoilée de France honore une lignée de grandes toques portées par son pere Jacques Pic et son grand pere André Pic, grands cuisiniers habitués a trôner en bonne place dans le classement convoité du guide Michelin. Celle qui, adolescente, se revait styliste finira par se rendre a l’évidence et choisira finalement de reprendre le flambeau, en tant qu’apprentie, aux côtés de son pere a l’âge de 23 ans.